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Une conversation photographique proposée par Amélie, autour de la pratique du shiatsu.

“C’est comme si j’accompagnais les gens sur leur chemin, je leur donne un moment de reflet, une possibilité de connexion et de réflexion sur ce qu’ils sont en train de vivre, tu vois, être dans le vivant, être dans le moment, faire des choix.

 

J’ai toujours ressenti des choses, soit entre les gens, soit sur des corps.

C’est peut-être aussi en lien avec le fait que j’ai grandi avec des parents sourds. 

Je pense que, du coup, le premier langage, il était au-delà des mots. 

 

C’était au cours d’un stage de conscience corporelle, à un moment donné, très concrètement j’ai senti comme des fils électriques, et la personne aussi. Je me posais la question sur ce que je pouvais ressentir, ce qui était de l’ordre de la réalité ou des choses qu’on s’invente. J’ai trouvé la formation de shiatsu qui est basée sur la médecine chinoise et là pour moi, on est vraiment dans quelque chose qui est partagé par énormément de gens. J’avais besoin d’un truc bien cadré, ça m’a rassurée aussi sur le fait que les choses que je ressentais faisaient bien partie de la réalité et cette part-là est constituée à la fois de la matière, et de ce qu’on ne voit pas. On a le système énergétique, on a les émotions, on a la pensée, et comment tout cela interagit ? Et c’est extrêmement complexe. 

 

Je pense que je n’aurais jamais fini d’apprendre, observer, regarder, constater. On ne peut pas prétendre qu’on a fini un jour.  C’est infini, c’est comme l’univers.

Ça donne une forme d’humilité aussi par rapport à ce qu’on est en tant qu’être humain. Pour moi, on est juste une partie d’un énorme ensemble qu’on ne peut pas prétendre complètement contrôler. On peut faire des petites choses. Si on veut prétendre contrôler l’univers, contrôler la vie en elle-même, je pense qu’on fait fausse route.

 

J’essaie de bien observer la personne, écouter ce qu’elle a envie d’exprimer. Ensuite je vais écouter le corps et je vais comparer ce qu’elle m’a dit, ce que je ressens. Et dans ce que je ressens je peux soit dire oui, ça correspond, ou il y a des trucs qui ne correspondent pas exactement. J’ai de plus en plus d’expérience, et je sais maintenant sur certaines choses que si je ne ressens pas, c’est parce que ça ne circule pas encore. Je peux stimuler, mais je ne vais pas forcer, parce que si je force quelque chose à ce moment-là, la personne n’est pas prête. Et si elle n’est pas prête, elle ne saura pas gérer, et ça ne va pas être durable. 

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Il y a certaines choses qui ont besoin de temps aussi. Je ne peux pas aller au-delà de la personne. Je vais mettre mes mains à des endroits qui vont faire quelque chose et là c’est la personne qui choisit, si elle va aller là-dedans ou pas. C’est pour ça aussi que j’ai choisi une méthode qui travaille avec la respiration : elle s’appelle le zen-shiatsu d’après S. Masunaga. Il parle de méditation à deux, il y a une circulation, entre mes mains, dans le corps de la personne, avec les énergies de yin et de yang, d’ancrage, et l’univers.

 

La mobilité du bassin c’est aussi être en contact avec soi-même en profondeur. Tu vois le hara, le centre, l’ancrage, ça pose plein de questions en fait.

Et pour moi c’est comme la base de la vie, accepter de se laisser traverser, d’être invité par cette énergie-là qui circule dans les gens, qui est partout.

 

Tu te souviens de tes premiers patients, comment ça se passait ?

 

En fait je pense que je voulais trop bien faire. Je me rappelle d’un moment qui m’a vraiment scotché. Je voyais des gens, et le lendemain, impossible de me relever, j’étais au lit, je me réveillais, et j’étais fracassée. J’ai compris qu’il faut vraiment laisser faire les choses et ne pas être investie en tant que personne.  Accepter d’être comme un canal et toujours bien se préparer et après, j’ai mes petits rituels de nettoyage. Ton niveau d’énergie doit toujours être bon, tu ne vas pas boire la veille d’un shiatsu, tu vas avoir des étirements tous les jours, tu travailles ton ancrage. 

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Un shiatsu ça demande beaucoup d’investissement, un travail personnel important, c’est même de plus en plus un mode de vie, parce que tu vas avoir besoin de faire de la méditation, parce que tu vas avoir une pratique personnelle, parce que toute ta vie doit s’organiser par rapport à ça. Si tu n’es pas cohérent avec ta pratique, elle va te le renvoyer, ça fait boomerang. 

 

Qu’est ce que les gens te disent quand ils viennent ?

 

Ceux qui reviennent sentent un approfondissement de rencontre avec soi-même, une harmonisation, une négociation peut-être entre le mental, l’émotionnel et ses besoins, il y a quelque chose comme ça. Mieux se connaître, mieux s’exprimer, être à l’écoute de ses émotions : on les accueille, on ne les met pas dans une petite boîte de cocotte minute. 

 

Et après, ce que j’ai quand même envie de dire, la pratique du shiatsu c’est aussi une pratique qui ne travaille pas que sur l’individu à l’intérieur de soi, mais aussi par rapport à son environnement.

 

Je pense que ce qui est aussi intéressant, c’est la pratique collective. L’énergie circule en nous mais aussi par rapport à l’autre et dans un environnement et cette prise en compte est importante pour moi.

 

Il y a les saisons, certes, et aussi bien sûr ce qui se passe entre les gens : où on se trouve, est-ce qu’on prend, est-ce qu’on donne, est-ce qu’on échange, où on se ressource ? Pour moi il y a ces pôles, ce n’est pas qu’une pratique pour moi. Dans le bien-être c’est quelque chose qui me gêne un peu, il y a souvent cette question de « moi, ma santé, mon bien-être », alors c’est très bien parce qu’il y  a beaucoup de gens qui ont accès à cela aujourd’hui, mais on ne peut pas s’extraire que comme ça, car on est concerné par tout, par exemple l’entreprise qui déverse sa pollution dans l’air ; je vais inspirer et expirer dans le même espace que toi. Les personnes prennent conscience de cela petit à petit, et si elles reviennent, cela veut dire qu’elles ont envie d’une forme de recherche de sincérité avec soi et les autres. 

 

Pour quoi tu conseillerais le shiatsu ?

 

Je dirais pour être en contact avec soi et la vie, mais les gens vont venir parce qu’il y a un problème, parce qu’ils ont mal au dos, ils sont fatigués, ou stressés. Souvent, le problème ou la maladie a un aspect positif : la personne doit chercher d’où vient le malaise si elle est prête. Elle vient à partir d’un enjeu qu’elle a envie de ressentir, de découvrir, une envie de changement, et après, souvent, il y a une prise de conscience. 

 

Je dirais que dans la pratique du shiatsu, on est dans quelque chose qui prend en compte l’être humain dans sa globalité et c’est intéressant parce qu’on est plein de contradictions.”

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